Two Gates Of Sleep d'Alistair Banks Griffin


TWO GATES OF SLEEP d’Alistair Banks Griffin

Le cinéma ricain se distingue par tous les moyens. Des plus absurdes aux plus classes, et ce depuis une belle tranche d’années. Drôle, ridicule, amer, sans saveur, inspiré, copié et parfois pompeur, friqué, indé, baisé mais rêveur, horreur, auteur, outsider, blockbuster, sans coeur mais chaleureux, révolutionnaire, avant-gardiste même, féministe (et oui) et toujours si nationaliste. A coups de navets, mulets, cinglés, chef d’oeuvres inégalés et enfin de teubs zombifiées. On remerciera Bruce Labruce pour ce nouveau genre de porno horrifique avec L.A. Zombie. Oubliez la morsure, nos morts se multiplient à coups de...voilà.

Bref, qu’on le veuille ou non le cinéma ricain au travers des époques, vagues, décennies et galaxies aura proposé bon nombres de peloches. A tel point qu’il englobe facilement 99 % des styles / genres / exercices filmiques réalisés à ce jour. Autrement dit, le cinéma Américain reste le 7ème art le plus représenté et représentant de genres à l’échelle mondiale. Le seul pourcent restant ? Fort chanceux, ils n'ont  pas encore eu la lueur d'esprit d'engager notre Louis Garrel national dans l’un de leurs films. Tenez le coup les gars. Be brave.


Pour exemple, le cinéma US est capable de nous fourguer un blockbuster zombifié (World War Z) tout comme une œuvre indépendante sur le même thème réalisé avec le millième du budget alloué à l’oeuvre de Foster (magnifique de The Battery de Jeremy Gardner). L’éclectisme si fascinant et intéressant du cinéma made in fucking USA, principal acteur de sa beauté, sa diversité et sa naïveté.

Si Two Gates Of Sleep était Danois, la péloche aurait certainement reçue la bénédiction des dieux. Il serait devenu un film culte dans la culture populaire tant l’objet fascine et laisse indifférent à la fois. Sorti timidement entre trois milliards de films au sein de ce bordélique (mais bandant) système de productions ricaines, le film a bien sûr souffert d'une notoriété directe. En soit la difficulté de se faire une place dans le goliwoak de l’opinion publique pour un film indépendant reste très importante.


Deux frères dans une Amérique rase-motte -dont même Trump devrait aurait peur- perdent leurs maman et décident de réaliser sa dernière faveur. Premier constant, le film ne place ni l’action, ni le temps. Comme duper à l’instar de ses deux protagonistes. Écrits sur trois feuilles de PQ, les dialogues sont intimement liés au mutisme absolu de leurs étranges personnages. Sorte de fermiers redneck complètement coupés du monde, coupés d’un avenir certain. Futur qui semble pouvoir s’arrêter d’une minute à l’autre tant l’envie, les goûts et les couleurs ne semblent pas appartenir aux deux garçons.

Sur ce point, Alistair Banks Griffin réalise un film purement et durement ancré dans le champ lexical du cinéma indépendant Américain dont raffole Arte le lundi soir en troisième partie de soirée. Qui sont-ils ? D’où viennent t-ils ? Qu’aiment t-ils réellement ? Pourquoi-vous-ne-vous parlez-pas-bordel-de-merde ? Putain-pourquoi-tu-ne-souris-pas-alors-que-ton-frère-te-fait-de-la-putain-de-biche-en-sauce-au-diner ? Les questions essentielles pour établir une relation humaine lambda sont ici effacées. Et tous comportements « normaux » au passage. Le cryptage incessant de leur télé devant laquelle ils semblent se satisfaire pendant leurs diners (WTF) ne reflète que les années lumières qui les séparent de la réalité. Froids et distants, les humains (nous n’en verrons que trois donc) sont laissés de côté pour laisser place à une nature foisonnante et terrifiante d’amertume, qui sans aucun reste la véritable actrice du film.


Complètement bani du monde civilisé pendant 1h15, le spectateur se retrouve tout aussi paumé que ces deux fossoyeurs en quête d’un lieu des plus énigmatiques. C’est dans cette tonalité que réside Two Gates Of Sleep comme son nom semble l’indiquer. Pourquoi ces deux hommes semblent si distants et austères de tout ? Inquiétant par moment jusqu’au 12ème degré, le film nous pose un inquiétant constat : sommes-nous en face de deux jeunes perdus, torturés (fous?), sans la moindre émotion et perception de la réalité au-delà de leur champ. Une odyssée de non-sens bercée d'une anomalie humaine. Le constat est d’autant plus vrai dans un climax des plus WTFesques digne de David Lynch ou Ben Wesley.

Incroyablement shooté (la photographie est franchement hallucinante), ce  Two Gates Of Sleep se pose comme un Shotgun Stories sans émotions, comme un film de Tarkovski sans la profondeur des personnages, comme un film de Terrence Malick sans symboliques, The White Lightnin' sans son ambiance cradingue. Mais pourtant, mais pourtant, mais pourtant, les comparaisons semblent inéluctables tant le style semble s’y référer sans pour autant les pomper bravement. 


D’une certaine manière Two Gates of Sleep a le mérite d’aller au bout de ses idées, quitte à perdre son spectateur à mi-chemin dans cet Apocalypse Now funèbre. Et si l'on y pense précisément, toutes remontées de rivières au cinéma s’est terminée dans un bordel humain des plus louables (Apocalypse Now donc, Fitzcarraldo, Délivrance et…Universal Soldier 4!). L’honnêteté du film ne laisse nul doute quand à l’ultra transparence bionique de son réalisateur à fleur de peau. Honnêteté qui laisse alors filer à la fois toutes les qualités et défauts d’un premier film habité.
 
Servi il est vrai par trois bons acteurs dont Brady Corber (le plus silencieux des deux cinglés/enfant de tournante de Funny Games US), le film ne pêche cependant jamais assez dans la narration. Rien ne nous indique vraiment la véritable portée du film tant les questions restent en suspens. Peut-être que celle-ci réside ailleurs, au-delà de l’histoire, mais dans les images d’Alistair Banks Griffin qui dresse un portrait de la nature d’une des plus belles et troublantes manière.


Hautement détestable, grandement honorable, franchement impensable, totalement inclassable Un véritable je t’aime moi non plus. Un quitte ou double. C’est de la merde ou c’est un chef d’oeuvre. A vous de choisir. Cependant : Two Gates Of Sleep se pose sans soucis comme un point d’interrogation au sein même du paysage cinématographique indépendant Américain (qui est pourtant déjà bien, bien, bien dans son espace-temps). La naissance d’un metteur en scène donc ?

Louis Destrade - A Normal Band Production

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