The Tree Of Life de Terrence Malick

THE TREE OF LIFE  de Terrence Malick

Les réactions diffèrent. Des gens septiques se grattent la tête parfois dénuée de cheveux à la recherche d'une réponse. D'autres impatients s'en vont aux premières lueurs du générique en soufflant désespérément que c’était de la belle merde. Objectivité représentée. Et d'autres restent les yeux fixés l’écran noir qui défile sous des chants d'oiseaux à comprendre ce qu'ils viennent de voir. Au final, la même et unique question. C’était quoi ça ?

Terrence Malick est un mythe du genre peu commun. 7 films en presque 45 ans de carrière, le Terry est du genre peu commode même s’il se rattrape enchainant les projets ces dernières années. En 1973 le type surprend le monde entier avec sa version Bonnie & Clyde post-ados attardés déconnectés de la réalité : La Ballade Sauvage. Chef d’œuvre inter-dimensionnel de l’espace et d’une gratuité assez affligeante pour l’époque : meurtres à la pelle sans remords, réalité dérangée par la narration innocente de Sissy Spacek, relation quasi pédophile...Et pourtant dans ce road trip sensoriel Malick étudie déjà le comportement de l'être humain, ses doutes, faiblesses, réactions, envies...Autant de thèmes chers à ce metteur en scène qu’il explore alors depuis de différentes manières. Malick s'envole alors avec La Moisson du ciel et son prix de la mise en scène quelques années plus tard à Cannes. Puis, au sens littéral : Malick disparaît. Non pas en RTT, la gazié se fait la malle plus de 20 ans.

Où ? Pourquoi ? Que foutait-il ? Nous n’aurons jamais la réponse. Fasciné par les oiseaux, il serait parti les observer pendant toutes ces années. Passe temps d'une double décennie. 


Mais la réalité est tout autre. Afin de définir son style narratif si particulier, Malick revient en 1996 tel Crusoé en plus gros –était-il juste resté aux Etats-Unis finalement ?– Et surtout accompagné de son script La Ligne Rouge. Ultime chef d'œuvre du film de guerre, cette œuvre impulse un élan de sagesse au cinéma contemporain Américain inattendu. Cette extraordinaire galette pose alors les bases de la prochaine fascination de Malick. Fascination à laquelle il tentera de donner réponse jusqu’au aujourd’hui : le sens de la vie.

Cannes 2010, The Tree Of Life ne sera pas présent pour cause de montage non achevé. Le monde entier pleure, ou presque. Un an d'attente en plus, le film est alors attendu comme le croisement symphonique entre 2001 L'odyssée de l'espace, la poésie de William Blake et les versets du Livre de Job. Bref un sacré trip sensoriel et visuel bien barré pour le commun des mortels. Peut-être même trop pour certains. Pourtant, 6 ans après le film continue de fasciner ou d’écœurer. A bons entendeurs.


The Tree Of Life –qu’on le veuille ou non- n’a jamais pastiché une œuvre. Qu’elle qu’elle soit. Peinture, graphisme, roman, poésie, films. Rien ne ressemble à la peloche de Malick. De son montage, sa narration, sa construction, ses performances, une quelconque comparaison est impossible. Mise à part peut-être il est vrai avec La Ligne Rouge. Qui trouve en The Tree Of Life, une suite quasi-logique tant les mêmes questions existentielles sont parsemées au sein des deux œuvres. Sauf que l’arbre de la vie se veut plus tranché au 387° degré.

Et tout y passe : de la création du monde, aux bactéries, aux dinosaures, à la découverte de l'amour, à l'apparition soudaine de l'homme en si peu de temps…Car si ce thème de l'humanité au sein de la nature est propre à Malick (La Ligne Rouge, La Moisson du Ciel, Le Nouveau Monde), c'est vers une étude complexe et presque énigmatique à connotation existentialiste que l'on se tourne maintenant. Surprenant, la narration se pose des questions mais se chie à résoudre celles-ci. La volonté de Malick n’ayant pas pour but cela.

Il est effectivement possible d’apprécier The Tree Of Life pour sa démence existentialiste –attention, le terme démence n’est pas une critique forcément négative- mais ce n’est pas en ce point que la peloche fascine. Démesuré dans sa mise en scène, Malick place sa caméra dans des angles impossibles, magnifie ses mouvements de caméras, transmet de manière naturelle ses émotions, créés de simples et fascinantes scènes de vies et ouvre des portes vers certaines réflexions. Réflexions qu’il convient de porter au niveau que le spectateur souhaite. N’ayez crainte, il n’est pas forcément obligatoire d’avoir bouffé du Montaigne et les cahiers du chie-néma tout sa vie pour s’estimer « apte à regarder la filmographie de Malick ».


Car c’est malheureusement le principal (et faux) reproche déployé sur la filmographie du Texan. Sa prétention à réaliser des films aux morales réservées pour les haut gens prout-prout de ce monde. Et comme souvent, la vérité est ailleurs. En effet, la lecture d’un film dépend essentiellement de la volonté du spectateur à lui offrir ce privilège. The Tree Of Life est certes un film philosophique dans sa manière d’établir le raisonnement auquel se confronte Malick –car le film est avant tout un essai auquel il tente de trouver ses propres réponses– mais aussi simplement, une histoire. Celle de l’humanité.

Les rushes découpés et si originaux de Malick offrent donc cette perspective que finalement The Tree Of Life ne demeure qu’une simple histoire fourmillant de questions. Qu’il est simplement conseillé de regarder comme le souvenir d’un homme attristé par ses années de bonheurs. Sentiment mélancolique des plus naturels pour le commun des mortels. Mais c’est dans la manière que tout parait alors dérangeant. Ce diable de Malick brouille les pistes classiques auxquelles le spectateur lambda s’est habitué.


Si le sens de la vie reste énigmatique, The Tree Of Life a l’intelligence de proposer différents degrés de lecture afin d’apprécier le message du metteur en scène. Il est possible d’y voir ce que l’on veut, des messages divins à l’existence d’un être supérieur, de la création de l’univers à notre époque (degré qui réfute l’hypothèse justement citée), de l’humanité et ses faiblesses, de l’amour à la haine à travers le temps et l’espace.

Profondément voyageur, visuellement époustouflant (la photographie du génial Lubezki est peut-être la plus belle jamais orchestrée), terriblement existentialiste, novateur, énigmatique, découpé, beau, lent –chiant ?–, fondamentalement Malickien. Voilà à quoi ressemble The Tree Of Life. Soit une œuvre unique, un véritable essai cinématographique comme il n’en existe finalement que très peu après plus d’un siècle de péloche. Une étape dans le déroulement naturel des choses. 



Une fois n'est pas coutume, Malick enchainera (façon de parler) les peloches du même genre depuis. Mais sans l'intensité et l'audace de The Tree Of Life : Knight of Cups et To The Wonder souffrent de la comparaison adultère quasi inévitable avec l'Arbre de La Vie. Un seul essai semblait suffir tant le matériau nous menace de toutes sortes de réflexions. Quoi qu'il en soit, The Tree Of Life est une oeuvre charnière dans l'histoire du cinéma pour les raisons évoquées. Bonnes ou mauvaises.
Qu'elle est donc la prochaine étape ?

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